Retours sur le livre : Social Networking for Business (1/2) – Conception, Gouvernance et Processus

Ce livre est sorti voilà plusieurs mois… Mais je n’ai pu le lire que ces dernières vacances. Je tiens à partager avec vous ce petit résumé, car il est vraiment complet et utile. Dans cet ouvrage, Rawn Shah de « Social Software Enablement Team » chez IBM, nous présente de multiples retours d’expériences qui lui ont permis de constituer un véritable guide du projet social en entreprise. J’ai trouvé particulièrement intéressant l’esprit très concret et pratique de ce livre qui pose, à mon avis, les bonnes questions et y apporte des contributions sérieuses. Je le conseille vivement à tout chef de projet d’entreprise 2.0 !

Dans sa globalité le livre aborde les différentes facettes du projet de « l’entreprise 2.0″ et propose à chaque fois un résumé des modèles d’organisation possibles. Un chapitre est dédié à chaque question, appuyé d’exemples concrets et de matrices de synthèses :

  • le modèles de partage d’une expérience sociale
  • les modèles de gouvernance et de leadership dans une plateforme sociale
  • les taches sociales : partage d’idées, gestion de l’information, etc
  • Les outils (écosystème et domaines d’usage)
  • la constitution d’une culture de partage (social culture)
  • l’engagement des membres
  • le « community management »
  • le pilotage et la mesure de valeur du réseau social

L’expérience sociale

« Le modèle d’expérience sociale » est un terme qui signifie le mode d’organisation permettant le partage de « quelque chose » avec les autres, dans un contexte donné. Du modèle entièrement individuel (telle qu’une expérience de blogueur) au modèle de collaboration de masse tel que last.fm ou Amazon où chacun peut lire et partager des informations, le spectre est large : groupe de travail fermé, groupe de travail visible, réseau social (au sens linkedin) ou communauté.

Je pense que d’autres modèles, ou aussi des modèles combinés peuvent exister… le message clé est la nécessité de déterminer en amont le ou les modèles d’expérience sociale dont l’entreprise a besoin en interne ou dans son écosystème (s’il s’agit d’une plateforme externe ou mixte). Ce choix est guidé simplement par ces questions très concrètes :

  • qui sont les participants ?
  • quel est le rôle de chacun au sein de l’environnement social (la plateforme) ?
  • qui pilote le dispositif ou l’entité sociale ?
  • qui crée des inputs (et quels sont ces inputs) ?
  • qui bénéficie des outputs et comment ?

C’est du classique, certes, mais l’exercice est loin d’être un réflexe pour chacun !

A la clé, le modèle déterminé , doit illustrer les sources de valeur pour l’ensemble des acteurs :  administrateurs (pas forcement au sens technique du terme, mais au sens : leader), participants et sponsors. La valeur prend diverses formes : celle qui est intrinsèque à l’information utile dans un contexte opérationnel, développement de compétences, meilleure communication transverse, identification de nouvelles opportunités… L’essentiel pour un environnement social est de garantir de la valeur pour chacun, de manière équilibrée.

La gouvernance d’une plateforme sociale

Le rôle du leadership et de la gouvernance est crucial pour la réussite d’un environnement social. C’est à travers l’exemple de Nupedia versus wikipédia, deux initiatives d’encyclopédies en ligne, lancées par le même fondateur (Jimmy Wales) qui se sont terminées de manières très différentes. Échec de la première quelques mois plus tard, succès fulgurant de la seconde ! Le modèle de gouvernance explique tout !

Contrairement au mode de fonctionnement traditionnel d’une encyclopédie, adopté par Nupedia, s’appuyant sur la révision (peer – review) des articles, leur validation, et ensuite leur publication, Wikipédia a essayé une autre approche plus ouverte où le travail de l’ensemble fera émerger le « meilleur » résultat. La qualité devient un processus dynamique et continu, basé sur l’intérêt que porte chacun à des sujets particuliers… La réalité est un peu plus complexe, car progressivement d’autres règles ont fait jour permettant de gérer les sujet sensibles par exemple ou de valider certains contenus.

Selon cet ouvrage, les modèles de gouvernance sont définis par le mode de leadership, où la question de « l’autorité » se décline en trois points

  • comment choisir les leaders de l’environnement social (d’une communauté, d’un espace wiki, d’un réseau social, …) ?
  • qui détermine qui peut participer, quels sont les formats et les niveaux de cette participation ?
  • qui définit les objectifs, les tâches et l’orientation de l’environnement social ? comment les rectifier ?

En d’autres termes les réponses à ces questions permettent de définir si on choisit un modèle de gouvernance plutôt qu’un autre. d’une gouvernance très centralisée à une gouvernance plutôt distribuée, plusieurs exemples de modèles sont cités :

  • centralisé : leaders choisis par les sponsors, ils ont le contrôle total sur le contenu, ils définissent l’orientation de la plateforme. Exemple : site web classique avec administration centrale.
  • représentatif : leaders choisis par les participants, tous les participants ont les mêmes capacités (fonctionnelles), les leaders ont la possibilité de modérer certaines contributions. Exemple : le World Wide Web consortium, les groupes de travail en open source, etc
  • étoile de mer : leadership basé sur le volontariat, tous les participants ont les mêmes capacités (fonctionnelles), très peu de contrôle sur l’orientation de la plateforme. Exemple : Wikipédia !

Déployer une plateforme sociale passe nécessairement par cette question de choix de modèle de gouvernance. Là, les stratégies sont multiples : Soit le choix est formalisé et acté, soit il est ambigü et non clairement décrit, soit indéterminé !

Ignorer cette étape (ie. ne pas définir un modèle de gouvernance) ou laisser planer l’ambiguïté est une erreur qui peut s’avérer fatale. En effet, toute ambiguïté du modèle génère des modes de fonctionnement hétérogènes, des frustrations de certains utilisateurs et des incompatibilités entre les objectifs des uns et les attentes des autres.

Dans la pratique, dans certains environnements sociaux complexes telle qu’une plateforme wiki composée de plusieurs espaces et catégories d’usages ou aussi une plateforme composée de différentes briques fonctionnelles, il est nécessaire d’offrir aux utilisateurs différents modèles de gouvernance en fonction des usages, des contextes et des besoins. Ainsi, le travail d’éducation, de clarification, de visibilité et d’appropriation de ces modèles est nécessaire.

Enfin on remarque, que certains modèles de gouvernance correspondent tout naturellement à certains modèles d’expérience sociale (premier point expliqué plus haut). Par exemple une expérience sociale de type « collaboration de masse » fonctionne mieux (voire exclusivement) dans un modèle de gouvernance ouvert (autonome) ou aussi en mode étoile de mer (cité plus haut).

Les tâches sociales

Vient en troisième lieu la réflexion sur les « tâches sociales » ou aussi les tâches « collaboratives » dans une plateforme sociale. Académiquement parlant, les travaux de recherche ont largement étudié, théorisé et définit les concepts de travail collaboratif, de processus et de « tâche » . Le sujet est vaste si on l’aborde de cet axe (pour les intéressés, j’en parle dans ces travaux). De manière pratique et opérationnelle, l’ouvrage propose un modèle de représentation de certains processus en tant que tâche sociale et ses implications. Une tâche sociale est représentée selon :

  • ses bénéficiaires
  • son modèle d’agrégation
  • l’expérience sociale lui correspondant
  • le modèle de gouvernance lui correspondant

Le modèle d’agrégation est une notion qui mérite un peu plus d’explication. C’est en effet la façon selon laquelle le livrable (output) global de la tâche est produit. S’agit-il par exemple (je ne cite pas tous les exemple possibles) :

  • d’une agrégation par consensus, où les participants travaillent ensemble dans l’intention de fournir un résultat collectif convergeant ? Ce qui va nécessiter des capacités d’analyse collective et de discussion.
  • d’une agrégation délibérative où le travail collectif n’a pas forcément l’intention de converger forcément à un résultat commun, mais plutôt de balayer un spectre plus large et des discussions dans différentes directions ?
  • d’une agrégation compétitive, où les participants sont en concurrence. Le livrable est ainsi le meilleur de tous.

Pour illustrer cette dernière idée citons l’exemple du processus de brainstorming via une plateforme sociale. Ce processus peut se décomposer selon le modèle présenté plus haut de la façon suivante :

  • bénéficiaires :  tous les participants
  • agrégation : autonome, puis consensus ou compétitive
  • expérience sociale : groupe de travail fermé, communauté, collaboration de masse
  • leadership / gouvernance : représentatif ou étoile de mer

Dans la phase de conception des usages de la plateforme sociale, ce travail d’identification des tâches sociales les plus importantes est crucial dans la mesure où on arrive facilement à identifier les bons modèles de gouvernance et d’expérience sociale lui correspondant.

L’ouvrage illustre plusieurs type de processus / tâches sociales : génération d’idées, crowdsourcing, folksonomies, création collaborative de contenus, conception concourante, … ainsi que les bonnes conditions pour réussir ces tâches.

Pour résumer, cette première partie est axée sur la conception des usages réussis d’une plateforme sociale. Elle forme un ensemble cohérent de plusieurs maillons : expérience sociale (acteurs, objectifs, bénéfices), processus adéquats et gouvernance adéquate. L’esprit analytique et « d’ingénierie » adopté dans ce travail permet d’identifier des tendances et de conceptualiser des modes de fonctionnement. C’est donc autant le résultat de cette conceptualisation que le processus lui même qui sont utiles au chef de projet 2.0. En effet le cadre d’analyse proposé est ré-utilisable et adaptable à tout contexte d’expérience sociale!

Personnellement, je me retrouve dans ce découpage : ce sont des phases d’analyse et de conception que j’aborde systématiquement dans mes projets d’entreprise 2.0 avec nos partenaires et clients, souvent sous forme d’ateliers de travail avec des sponsors, managers et futurs utilisateurs.

Je propose d’aborder dans un prochain billet les aspects « post conception » qui sont la culture, l’engagement et le community management dans une expérience sociale.

En attendant n’hésitez pas de réagir !

3 Responses to : Retours sur le livre : Social Networking for Business (1/2) – Conception, Gouvernance et Processus

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